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Brigit Ber – Bleu comme une orange

La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s’entendre

Paul Éluard*1

Brigit Ber, née en région parisienne, réside depuis de nombreuses années dans le Trégor. Elle est diplômée en arts appliqués mais s’est très rapidement muée en plasticienne. Dans ses œuvres, elle met en œuvre une multitude de techniques de création ou de reproduction d’images, fixes ou mobiles : photographie, vidéo, dessin, gravure… Pour ses images fixes, celles qui nous intéressent ici, elle procède elle-même au tirage, souvent en exemplaire unique, de photographies prises sur le vif ou de négatifs construits par assemblage manuel de plusieurs clichés. Pour ce faire elle recourt à des procédés artisanaux : héliogravure, ambrotype, cyanotype, anthotype… Dans tous les cas, sa démarche se traduit par une imbrication de ses gestes et d’images par des procédés simultanément anciens et contemporains. Son approche est ainsi profondément diachronique, faisant entrer en collision deux temporalités : celle d’images résolument de notre temps et celle de techniques tombées en désuétude. Sans vouloir minimiser l’importance du reste de sa production, je me cantonnerai, dans la présente notice, à sa pratique du cyanotype*2 par laquelle elle est aujourd’hui très largement connue et reconnue. Cette technique jouit d’ailleurs, depuis quelques années, d’un important regain d’intéret.*3

Les sujets de prédilection de Brigit Ber sont tirés de la nature, minérale, végétale ou animale, mais dans des cadrages et des rendus qui en modifient la perception, forçant le spectateur à plonger dans l’image résultante pour tenter d’en identifier le modèle : fleurs, os de seiche, racines, branches, mégalithes, algues, étoiles de mer, coquillages, coraux, oursins… Le doute subsiste cependant et d’autres interprétations, imprévisibles, peuvent toujours s’imposer. La collision temporelle précédemment évoquée se double donc d’une collision des sujets qui, dans les tirages d’une même série, voire au sein d’une seule image, hybrident un élément de mobilier, un verre, un bourgeon, un fossile, une méduse, une anémone de mer, un fragment de paysage et bien d’autres choses encore… Coexistent ainsi des éléments naturels et d’autres fabriqués de toutes pièces, sans que leurs contributions respectives soient immédiatement identifiables. Il en résulte une confusion des échelles, le regardeur hésitant, souvent sans arriver à se décider, à déterminer s’il s’agit du monde dans lequel il vit, du microcosme ou du macrocosme… Et les titres ne sont pas là pour l’aider à trancher. Ainsi le titre de l’œuvre Coussin de requin, 2023, élimine la première intuition, qui pousserait à y voir la trace de lèvres humaines laissées sur un verre, pour orienter la recherche de son sujet du côté des squales… Mauvaise piste menant à une impasse… Ce n’est qu’en consultant une encyclopédie que l’on découvre qu’il s’agit en fait d’une variété de corail des mers chaudes : Culcita schmideliana… Et il en est ainsi de plusieurs des autres productions de Brigit Ber…

Plus généralement, en agrandissant certains éléments de ses clichés, en superposant des négatifs sur transparents, en bouleversant, en quelque sorte, l’ordre naturel des choses mais sans que cela soit immédiatement perceptible, notre artiste recompose un univers qui peut être, simultanément ou successivement, au fur et à mesure que le regardeur le pénètre du regard, onirique, fantastique ou terrifiant… mais toujours très personnel… Elle déclare : « je cherche à retrouver le geste dans l’image, et l’image devient geste*4 » ou encore : « j’utilise des photos tirées sur des transparents. Je m’amuse à faire un objet fabriqué, que je travaille sur sa forme, je recompose des paysages*5. » Ces derniers résultent d’un mélange, d’un métissage qui ne peut être que contre nature mais savamment dosé, des mondes humides, végétaux et minéraux avec des traces d’une activité humaine, le tout projeté sur une surface apparemment plane mais dans laquelle l’observateur perçoit une réelle profondeur. Profondeur optique, évidemment, mais, aussi et surtout, profondeur de la réflexion que ces images suscitent.

Cette intériorité, cette épaisseur réflexive tient au fait que nous sommes face à de véritables vanités, non pas dans le mouvement par lequel Blaise Pascal condamnait la plupart des activités picturales – « Quelle vanité que la peinture, qui attire l’admiration par la ressemblance des choses dont on n’admire pas les originaux!*6 » – mais dans celui du biblique vanitas vanitatum omnia vanitas*7. Les cyanotypes de Brigit Ber se lisent comme des représentations allégoriques de la fragilité, du caractère éphémère et de l’impermanence de toutes choses, de la précarité de la vie animale ou humaine. Bien plus que des natures mortes évoquant, dans des intérieurs bourgeois, les cinq sens ou figurant des sabliers ou des crânes humains posés sur des tables ou sur des étagères, les tests d’oursins, les branchages morts, les souches d’arbres arrachés, les os de seiche, les restes de cnidaires… mais aussi les mégalithes et d’autres traces d’anciennes activités humaines sont, chez notre artiste, autant de memento mori.

Ils sont beaucoup plus parlants aux regardeurs de notre temps, sensibilisés aux enjeux écologiques, que le sont les innombrables peintures classiques sur ce thème. Ce sont des natures mortes, qui nous incitent à nous interroger sur la finitude des choses et sur l’inanité de nos prétentions. Même si, je l’ai déjà évoqué, l’identification formelle de ce qui est figuré n’est pas obvie, l’immobilité figée*8, parfois désespérante, de ce qui nous est donné à voir suscite une réflexion sur la condition humaine : du liquide amniotique aux ossements desséchés… Et la reconnaissance des sujets, si le regardeur finit par y arriver, ne fait que confirmer cette sensation latente…

Brigit Ber accepte – privilégie même – les accidents dans ses manipulations et leurs effets souvent déconcertants, au point de parfois remettre en cause le résultat escompté de son projet initial. Ici une tache bleue inattendue, là une traînée ou une coulure incongrue, ailleurs une apparente solution de continuité dans les structures figurées… Ces imperfections, admises et assumées, deviennent même, dans beaucoup de ses œuvres, des moteurs de leur inventivité, des facteurs clés de leur originalité et de la fascination qu’elles suscitent. On pense à Mark Twain qui déclarait : « Le nom du plus grand des inventeurs : accident*9. » Nous ne sommes cependant pas dans le domaine de l’aléatoire puisque ces défauts interviennent dans un processus minutieusement préparé. De ce point de vue, notre artiste ferait aussi sienne la position de John Ruskin : « La qualité n’est jamais un accident ; c’est toujours le résultat d’un effort intelligent.*10 » Un propos de Jean Rostand me semble bien résumer sa démarche : « De ce que le naturel, par accident, fait de l’art, il ne s’ensuit nullement que l’art doive faire du naturel*11. »

D’aucuns ont pu évoquer la notion de sérendipité*12 pour décrire ces trouvailles accidentelles. Il y a peut-être un peu de cela, dans la démarche de Brigit Ber, mais pas au point de la faire lâcher prise sur le processus et sur son résultat ni de se laisser entraîner dans des actions non maîtrisées, échappant à son contrôle. Plutôt qu’essayer de masquer les inévitables aléas d’un procédé requérant un grand nombre d’opérations manuelles, chacune sujette à des imprévus, elle préfère en tirer profit pour enrichir ses œuvres et, partant, révéler un peu plus de sa personnalité. Solution de bon sens, après tout, car il faut se rendre à l’évidence d’un propos de Picasso : « Les accidents, essayer de les éviter… c’est impossible. Ce qui est accidentel révèle l’homme*13. »

Ainsi, chez Brigit Ber, le geste et le processus créateurs prennent le pas sur l’image résultante et sur son objet, ouvrant grand la porte aux hasards de circonstance. Ce qui est donc donné à voir est bien plus qu’une simple image. C’est la traduction d’une expérience vitale et de ses aléas, imbriquant des temporalités, des lieux et des procédés d’une grande diversité. Les découvertes accidentelles de Brigit Ber ne sont finalement que la contrepartie d’une priorité donnée à un geste répété et à des procédures de fabrication plutôt qu’à l’obtention d’un produit qui, bien que répondant à une idée initiale précise, reste toujours partiellement imprévisible. Et c’est tant mieux…

Enfin, faut-il le rappeler, les cyanotypes de Brigit Ber sont, comme tous les cyanotypes, bleus… Un bleu difficilement définissable… Rien à voir, en tout cas, malgré son nom, avec le cyan, la couleur complémentaire du rouge. Il est plus dense et plus profond, surtout quand, comme chez notre artiste, il s’associe avec un univers humide : aquatique, marin, amniotique… Ce n’est pas l’IKB d’Yves Klein, trop méditerranéen et incompatible avec l’aspect, qui peut changer d’une minute à l’autre, de la mer trégoroise. Il est intense, puissant, froid et a la capacité de susciter cette forme d’introspection qu’évoque Malcolm de Chazal : « Le bleu est une plongée inconsciente interminable*14 » ou encore Guy de Maupassant : « […] l’âme a la couleur du regard. L’âme bleue seule porte en elle du rêve, elle a pris son azur aux flots et à l’espace*15. »

C’est bien de cela dont il s’agit chez notre artiste : flots, espace, plongée… Il faut aussi avoir en tête que ce bleu, dit de Prusse, résulte du virage du rouge du ferricyanure de potassium au bleu du ferrocyanure ferrique. Peut-être peut-on y voir la matérialisation de ce bleu cerise*16 cher aux chasseurs alpins… Ou bien encore, dans le procédé plus récent de création de cyanotypes, ce passage de l’orange du dichromate d’ammonium au bleu qui donne raison aux vers de Paul Éluard en exergue au présent texte.

Louis Doucet, écrivain et critique d'art

septembre 2024

Notes :

1 - In L’amour la Poésie, 1929.

2 - Le cyanotype, procédé photographique négatif monochrome de contact, a été inventé, en 1842, par John Herschel, astronome, philosophe, physicien, météorologue et pionnier de la photographie britannique, dans le cadre de ses recherches sur les sels de fer. Ce procédé est basé sur la sensibilité à la lumière des sels ferriques, qui deviennent bleus lorsqu’ils sont exposés aux rayons ultraviolets (originellement le soleil) et lavés à l’eau. Il comporte cinq étapes : préparation d’un mélange en volumes égaux d’une solution à 8% de ferricyanure de potassium – K3Fe(CN)6 – et d’une solution à 20 % de citrate d’ammonium ferrique C6H5+4yFexNyO7 lequel n’est autre que l’additif alimentaire E381, utilisé comme régulateur de pH ; enduction, au pinceau, d’un support, généralement un papier fort mais ce peut aussi être un tissu ou tout autre support se prêtant à cet exercice, avec le mélange chimique précédemment obtenu, puis laissé à sécher dans l’obscurité ; une fois le matériau sensibilisé sec, exposition aux rayons ultraviolets (soleil ou source artificielle), les zones exposées à la lumière devenant bleues et les zones protégées par le négatif restant blanches ; après une exposition suffisante, de quelques minutes à une demi-heure, développement, par rinçage à l’eau, qui fixe le bleu de Prusse sur le matériau ; séchage du tirage unique ainsi obtenu. Un procédé alternatif, plus récent et donnant le même résultat, consiste à utiliser comme solution photosensible un mélange d’hexacyanoferrate de potassium C6FeK4N6 et de dichromate d’ammonium (NH4)2Cr2O7. La solution de révélation est alors une solution de chlorure de fer III FeCl3. Pour le reste le procédé est similaire à la méthode traditionnelle.

3 - On se référera notamment au livre Cyanotypes – Appropriations contemporaines aux éditions Artfolage, 2022, présentant des travaux d’Eva Aurich, Claude Baudin, Brigit Ber, Ariane Canta-Brejnik, Jean-François Cholley, Nicole Chuard, Maëlle de Coux, Richard Deasington, Magdéleine Ferru, Fabienne Forel, Aline Héau, Berta Ibanez, Bénédicte Klène, Hélène Lamarche, Daniela Lorini, Gery Oth et Reiny Rizzi, Thomas Paquet.

4 - Site de l’artiste : www.brigitber.com.

5 - Ibidem.

6 - X-XXXI dans publication posthume de 1669 des Pensées, VII-31 dans l’édition d’Ernest Havet de 1852.

7 - « Vanité des vanités et tout est vanité » in Ecclesiastes 1.2.

8 - Nature morte, en français. L’allemand, avec Stillleben, et l’anglais, avec still life, insistent sur l’immobilité de ces compositions et non sur le fait qu’elles figurent des choses mortes.

9 - “Name the greatest of all the inventors. Accident.” in Notebook XXXIII, publication posthume, 1935.

10 - “Quality is never an accident; it is always the result of intelligent effort”, remarque souvent citée mais ne figurant pas dans le recueil des œuvres complètes de John Ruskin.

11- In Pensées d’un biologiste, 1939.

12 - Dans les notes de l’Académie française, en 2014 : « Depuis une dizaine d’années, le nom sérendipité est entré dans l’usage en français. Il s’agit d’un emprunt de l’anglais serendipity, “don de faire par hasard des découvertes fructueuses”, un mot créé par Horace Walpole et qu’il avait tiré d’un conte oriental, Les Trois Princes de Serendip (1754), Serendip ou Serendib étant une ancienne transcription anglaise de Sri Lanka […] Aujourd’hui le nom sérendipité s’emploie fréquemment dans le monde scientifique pour désigner une forme de disponibilité intellectuelle, qui permet de tirer de riches enseignements d’une trouvaille inopinée ou d’une erreur. On parlera ainsi de sérendipité à propos d’un brillant mais négligent chercheur écossais qui avait la réputation d’oublier régulièrement ses boîtes à culture, et qui, rentrant de vacances, eut la surprise de découvrir dans l’une d’elles qu’une forme de moisissure avait empêché le développement des bactéries. Alexander Fleming venait de découvrir la pénicilline. »

13 - Cité par Pierre Cabanne in Le Siècle de Picasso 1975.

14 - In Sens plastique, 1948.

15 - Un cas de divorce in L’inutile beauté, 1890.

16 - De l’époque où Napoléon III voulut imposer le port du pantalon garance dans les armées françaises. Cette décision provoqua un mécontentement au sein des chasseurs à pied, d’où l’interdiction, chez eux, depuis cette époque, de prononcer le mot rouge…

 

immortelle vue :

La série « immortelle vue » présentée à la galerie Espacio Mados à Madrid est un ensemble de prise de vue réalisé en Bretagne durant l’été 2024 avec une chambre photographique du XIXème siècle selon le procédé de l'ambrotypie. Cette technique dite au collodion humide, vieille de plus de 150 ans, permet de fabriquer un négatif au nitrate d'argent de grand format sur une plaque de verre. Posée sur un fond noir, l'image apparaît en positif. Très utilisé pour les portraits et les paysages à l'origine, l'ambrotype se présente généralement encadré comme le daguerréotype. Le négatif détient donc ce potentiel d'être à la fois négatif et positif, image source (négatif) et image finale (tirage). Ces clichés font référence aux « vues »* topographiques peintes depuis le XVIIIème siècle tout en appelant le glissement sémantique et visuel des « vues-clics » actuelles. Ici le numérique s'est invité a minima puisque chaque plaque ambrotype est numérisée puis tirée sur papier. Ainsi deux temps se rencontrent et interrogent notre pratique de la photographie aujourd'hui, une prise de vue « laborieuse » où les accidents de chimie restent visibles et le tirage de ces négatifs imparfaits sans agrandissement ni retouches alors que nombre d'images de paysage produites aujourd'hui ne quittent jamais leur virtuel statut 2.0 tout en visant un idéal toujours plus artificiellement intelligible.

*La vue ou veduta, sous-genre du paysage, a connu en Europe au XVIIIème siècle un succès considérable, en particulier dans le cadre du marché du Grand Tour.

 

souches ordinaires :

La série « Souches ordinaires » de Brigit Ber est née à l'occasion de l'évènement « Vos paysages » à l'automne 2022 à la galerie du Dourven. Invitée à réaliser un atelier de découverte du cyanotype avec les publics, Brigit Ber a initié un travail photographique autour de la souche à partir de son exploration du parc du Dourven. La restitution de l'atelier donnait lieu à une grande fresque murale composée de tirages cyanotype des souches photographiées et tirées sur place par les participants et par Brigit Ber. 

Exposition personnelle (hiver 2022-23) : Comme une coupe du visible, ces souches sont le résultat d'une collecte photographique d'anciennes présences du site. L'horizon s'y redresse pour nous plonger au creux de la forme. Ombres et transparences du vivant, ce sont les négatifs grand format fabriqués pour les tirages cyanotype des souches et racines choisies qui se présentent ici aux regards. L'invisible est montré. Les souches et racines se retrouvent découpées à l'échelle des ouvertures de la galerie. Une nature des origines, toujours vivante, avec ses défauts et ses fulgurances.

 

vanité : 

« Ce qui est vide, de vaine apparence » 

La vanité est une forme iconographique de la Nature morte évoquant la précarité de la vie et l'inanité des occupations humaines souvent représentée par un crâne. Appliquée ici à un bestiaire marin, os de seiche (sépion), oursin-coeur (Echinocardium cordatum) dit aussi oursin-souris, coussin de requin, cnidaire etc., elle fait référence* et marque aussi un point d'achoppement à la reconnaissance ou l'identification tant formelle que symbolique. Grand/petit, loin/proche, vrai/faux, dessin/relief, construction/trace, carte ou territoire. Le dessin s'y inscrit en creux, l'ombre en est l'objectivation, chaque élément de cette série, qu'il soit photographié, gravé ou dessiné, renvoie à une recherche sur la ligne, aux espaces entre ce qui reste, les traces et notre capacité de projection.   

* Référence au tableau Les Ambassadeurs de Hans Holbein Le Jeune peint en 1533 et conservé à la National Gallery de Londres où le crâne humain anamorphosé prend la forme d'un sépion au premier plan de la composition. 

 

chimères et vanités au Domaine départementale de la Roche Jagu - 2021

Dans la chambre seigneuriale et la garde-robe du domaine départemental de la Roche Jagu, Brigit Ber s'est amusée à prolonger le dialogue entre sa collection, sa fabrication et ce lieu patrimonial, ses ouvertures, ses matières, ses lumières, ses lignes et l'imaginaire qu'il déploie.

Le bleu si caractéristique de la technique du cyanotype* occupe une large place dans la production de l'artiste et trouve ici son rayonnement fluide. Des fleurs (Sedum-telephium) collectées dans le parc fusionnent en coraux, les coussins de requin prétendent à d'autres fonds, prennent d'autres dimensions. « Chimères » et multiples hybridations font se rencontrer un radiateur, un champignon, une méduse, un os de seiche, une branche, un fossile ou un coquillage. 

*cyanotype : Procédé photographique monochrome négatif inventé par J.F.W. Herschel en 1842 dont la chimie produit des tirages-contact bleus.

 

nature morte :  

Corpus (photographies, cyanotypes*, gravures, pièces en volume, tapisseries, peintures etc. ) aux références "concrètes", objets du quotidien, fleurs. Une vision transformée et à la fois connue d'une ligne, d'une ligne, d'une ligne, des formes de la vie digérées plastiquement.

*le cyanotype est une technique de tirage monochrome en négatif mise au point par l'anglais Frederick William Herschel en 1842.

 

incohérence cardiaque

En cette époque d'injonction au bien-être, la vidéo Incohérence cardiaque est un pied de nez aux si nombreuses applications numériques, accessibles sur les smartphones, sensées nous aider à nous détendre.

 

nappe : 

Les « nappes » sont autant de traces que de regards croisés entre la carte et le geste. En cheminant sur la gomme, en circonvolutions, en creux, en relief, l’oeil fait sa mise au point dans ce parcours initié par la ligne, unique et continue. Dessin automatique, chaos de signes. Nappe monde. Pas de tables dans cet invisible banquet. L’horizontalité des propagations cède à la verticalité ; la peau protectrice de l’objet bascule en un territoire à explorer. De l’encrage et ses repères à l’ancrage et ses distances. Les « nappes » sont pareilles à des structures fractales*, et tel le dessin d'un littoral, d'un relief géologique, elles questionnent l'espace du visible en marche.

* Néologisme crée par le mathématicien Benoît Mandelbrot en 1974, une fractale désigne des objets dont la structure est invariante par changement d’échelle.

 

arbre : 

La série arbre est un arrêt sur image. Le jeu du vivant peint la lumière d'un contre-jour pour prendre la mesure d'un temps en marche, sous-bois. Le déplacement y prononce l'empreinte d'une vision tête en l'air et opère un transfert d'une vision en mouvement vers un support-enseigne. Prendre la trajectoire des ramifications, trouver la profondeur d'une vue en plan sont autant de chemins vers ce reél qui nous fait imaginer, dessiner le trajet de cette trace singulière, persistante au fond.      

 

vers : 

Série de travaux prenant source sur l'estran, cette partie du littoral recouverte à marée haute et visible à marée basse. Une forme, un dessin, l'aléas d'un mouvement naturel initiant un geste graphique.  

 

matrice : 

Les matrices sont des éléments constitutifs de travaux en gravure (lithographie, héliogravure, xylogravure, linogravure etc.). Mères d'estampes, elles deviennent reliefs indépendants. 

 

lumière portée : 

Lumière portée s'inscrit dans le bois de hêtres au sud du château de Kerduel à Pleumeur Bodou dans les côtes d'armor. Elle ne s'offre au regard qu'au détour du chemin et reste circonscrite à la portée de l'oeil photographique (50 mm), elle délimite ainsi un cadrage à hauteur humaine proposant un arrêt sur image ou plus précisément un arrêt en chemin. La photographie y est à la fois le moteur et la trace d'une intervention où la peinture ne prend plus que la forme fugace d'un souvenir, d'une persistance lumineuse où la mémoire se fait aussi l'écho d'une histoire, celle de Maurice Denis et son Paysage aux arbres verts ou Les hêtres de Kerduel, tableau conservé au musée d'Orsay à Paris et peint à Kerduel en 1893. 

 

bryophyte :

La série bryophyte est née de la rencontre d'un geste répétitif et d'un mot trouvé au hasard des pages d'un ouvrage de botanique à une période où Brigit Ber commence à travailler le médium vidéo pour ses performances VJ (jeu d'image en direct avec des groupes de musique). Il s'agit d'une série de travaux dont le dénominateur commun est la prolifération d'un dessin régit par un geste automatique dépourvu de tout réfèrent ou modèle graphique signifiant. Seule la dynamique du "faire" conditionne la forme, ni recul ni évaluation par le regard de l'artiste ne doit émerger pour que le bryophyte se construise, il a sa vie autonome et une occurrence indépendante de considérations de style, d'idée ou de forme particulière. A mi-chemin entre facture et élan naturel, les bryophytes sont autant de lignes et de supports, que de vides et de pleins, que d'ombres et de lumières, structures en jeu de vie aux matériaux de notre quotidien.

 

bryophyte in-situ :

Il procède du même élan et appartient à la même famille, les bryophytes. Néanmoins, il opère différemment dans le sens où il ne se rattache pas à un objet mais à un lieu, s'y inscrivant de façon éphémère (dessins à la craie ou traces sur des surfaces meubles). Par ce trait particulier de son existence, le bryophyte in-situ a pour corollaire nécessaire et inscrit dans la démarche artistique de Brigit Ber, la photographie.

 

bryophyte lumineux :

Plusieurs bryophytes lumineux ont vu le jour... depuis que les bryophytes de Brigit Ber existent. Ils jouent sur le double registre de l'apparition et de l'effacement de façon encore plus prononcée que pour les dessins à la mine de plomb sur papier des premiers temps. En effet, la lumière est la nature même de l'objet, qu'il soit table lumineuse (imprimerie, labo photo, imagerie médicale, lampe décorative etc.) et le dessin s'y inscrit par une sorte de "contre-pied" car formé par du ruban correcteur, une souris bien maligne qui de son blanc effaceur marque de noir la forme sans autre dessein que de se jouer de la lumière en aléas. 

 

 

caillou : 

La série caillou est un ensemble d'encres de chine sur papier coton. La ligne, y construit la trace d'un paysage minéral de bord de mer où parfois la couleur s'invite. Le dessin formant un caillou est réalisé "sur le motif" et à main levée. Il est fait à plat, ainsi, un temps, ou plus exactement un vide, s'interpose entre l'observation et sa traduction. Et c'est particulièrement cet interstice qui intéresse l'artiste, une forme d'élan naturel. Lorsque Brigit Ber découvre la côte de granit rose dans les Côtes d'Armor (22), elle y trouve l'objet de son attention et part à la recherche de formes, non plus en restant à l'atelier mais sur les chemins du littoral, avec la lumière et le vent, avec son papier et ses encres, avec le blanc et le souffle vers un dessin calligraphique des lieux. De la rencontre des rochers si singuliers de cette côte bretonne que ce soit à Trégastel, Ploumanach, Perros- Guirec, l'île Grande ou Trébeurden sont nés ses cailloux pour que la magie du trait imprime la mémoire d'un véritable amour du pays.

 

nombrils brodés :

« Beau travail ou (et) recherche sur ce « théâtre du je » qu’est le nombril et tout ce à quoi il renvoie... Cicatrice maternelle, espace de transition, lien dénoué, rompu, tranché pour l’autre vie heurtée violemment séparée des eaux prénatales. Cette image complexe, incomplète qui se trame dans l’inconscient créatif et se file dans la psyché est une part de ce moi abandonné aux rives de la naissance. Espace vaincu et reconquis par le geste de la brodeuse qui noue et dénoue les artifices, les plis, les replis, les arabesques des courbes, les creux, les saillies, les ombres perdues, les lumières somptueuses de l’épiderme, et celles des matériaux associés (verre, fibre de verre, fil) complices de cette quête sensuelle et symbolique d’où l’humour n’est pas absent. »

Bernard Legendre, Historien d’art 

 

nombrils en plaque :

La série des nombrils brodés suit plusieurs chemins au court de son histoire. Sa naissance inscrit l'artiste dans la continuité de ses réflexions sur le corps, son propre corps pour commencer puis celui de l'autre. Les nombrils brodés sont en tout premier lieu la trace d'une rencontre entre deux matériaux a priori non amenés à se retrouver : une moustiquaire et du fil de couturière. Ils ont en commun leur teinte, chair, et surtout cette qualité, importante à ce moment de la vie de l'artiste, d'être transportable. Effectivement, leur naissance et leur présence dans le travail de Brigit Ber garde la mémoire d'une période où elle voyage beaucoup et ce petit ouvrage, ces drôles de broderies sont réalisables en divers lieux. Les modèles utilisés pour ces nombrils brodés sont imaginaires, dessinés d'après nature ou photographiques. Dans un premier temps, à la galerie Satellite notamment, ils seront assemblés, ceinturés même, à des plaques de verre aux dimensions humaines et proposent ainsi un rapport frontal "non protégé" où se joue le reflet du "regardeur". 

 

 

nombrils en brique : 

Après avoir habillé des plaques de verre aux allures de miroir à taille humaine, les nombrils brodés ont trouvé un autre environnement, plus enclin à protéger leur nature fragile. Cet écrin que va constituer la brique de verre s'inscrit dans le processus inhérent au nombril brodé de traduire la limite entre deux espaces, une enveloppe où le réfèrent à l'architecture vient ouvrir le possible d'un équilibre (ou flottement d'ailleurs) entre le vivant et ce qui l'entoure. L'air de rien. Lorsque la galerie Jacob 1 présente le travail des nombrils en brique, une pièce centrale à l'espace de la galerie est réalisée pour l'occasion, Insoutenable légèreté. Elle s'inscrit dans la même famille que Su casto fulgo enjuto/Petalos de lata débil/Recaman los grises puros/De la brisa, desplegada/ (Son chaste éclat maigre et sûr/Le fer tendre de pétales/Brode en relief le gris pur/De la brises, déployée (...) F.G.Lorca), une commande d'un collectionneur particulier. En effet, les deux pièces ont en commun la suspension dans l'espace et l'assemblage de neuf nombrils en brique. Certains nombrils en brique trouvent leur place dans des intérieurs de collectionneurs particuliers en s'inscrivant directement dans le mur maçonné ou constitué de briques de verre.